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« Un salon comme un musée, un musée comme un salon » 
Un cabinet d'antiques à Paul-Valéry

Le Musée des Moulages de l’Université Paul-Valéry, qui fête cette année ses 130 ans d’existence, dévoilait le 12 février dernier son nouveau Cabinet d’Antiques en présence de Françoise Gaultier, directrice du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du Musée du Louvre.

Le musée : histoire, rôle, collections

Inauguré le 23 mai 1890 dans le cadre de la commémoration du VIe centenaire de l’Université de Montpellier, le Musée des Moulages présente, par l’intermédiaire de copies en plâtre, une collection idéale de sculpture, représentative des différentes périodes de l’art antique mais aussi médiéval. Témoin historique de l’enseignement et de la recherche scientifique au tournant des XIXe et XXe siècles, le musée, intégralement rénové en 2015, a non seulement une vocation universitaire et pédagogique, mais il est également devenu un acteur de la vie culturelle de l’université grâce aux manifestations scientifiques, artistiques et culturelles qu’il accueille régulièrement. Le Musée a aussi renforcé ces dernières années ses liens étroits avec le département des antiquités grecques, étrusques et romaines du Musée du Louvre, une collaboration initiée dès 1895 par le prêt de céramiques grecques produites à Corinthe et à Athènes entre le VIIe siècle et le IVe siècle av. J.-C. Pour fêter ses 130 ans, l’institution montpelliéraine franchit une nouvelle étape de son histoire avec un nouveau dépôt du Louvre, qui vient enrichir ses collections d’originaux grecs, céramiques et terres cuites. Ces objets et d’autres, issus des réserves du Musée des Moulages et nouvellement exposés, sont présentés à la manière d’un cabinet d’antiques du XIXe siècle par les professeurs d’archéologie Rosa Plana et d’histoire antique Christophe Chandezon. Ils offrent ainsi aux étudiants et aux visiteurs un panorama plus large de la production artistique et artisanale grecque.

Le cabinet d’antiques, origines et histoire

Le collectionnisme des objets antiques a une longue histoire. Au Moyen Âge déjà, les rois de France rassemblaient bijoux, pierres gravées, sculptures et céramiques antiques, et « médailles » (nom donné, jusqu'au XIXe siècle, aux monnaies antiques). À la Renaissance, les palais des princes se dotent d’un antiquarium, vaste salle consacrée à l’exposition des antiquités, souvent des sculptures. Destinées alors à promouvoir le prestige de leur propriétaire, les collections servaient aussi de réserve de valeur, et les collectionneurs s’intéressaient principalement principalement aux objets ayant une valeur matérielle intrinsèque, métaux précieux et pierres fines en tête. Par la suite, les collections s’imposent progressivement comme un vecteur essentiel de la formation savante. Le studiolo italien, entre trésor et collection, réunit des antiques, des œuvres modernes et des instruments scientifiques, et sert d’abord comme un cabinet d'étude. Celui d’Isabelle d’Este, considérée par certains comme le plus grand mécène de la Renaissance italienne, rassemble à Mantoue au début du XVIe siècle une collection impressionnante de médailles et de monnaies antiques d’or et d’argent, de vases, de statues de bronze et de marbre, de peintures…

Mais c’est dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, avec le mouvement néo-classique, que s’ouvre réellement l’âge des cabinets d’antiques. Le néo-classicisme, à la fois mouvement artistique et période stylistique, émerge à Rome vers 1750 au moment où l'on redécouvre Pompéi et Herculanum, et se diffuse dans l'Europe des Lumières, où il atteint son apogée dans les vingt dernières années du siècle. C’est avec les travaux de Johann Joachim Winckelmann (1717-1768), théoricien fondateur de l’histoire de l’art comme discipline moderne, que l’art grec est institué comme référence artistique, idéal de beauté et de perfection. Les antiquités grecques, égyptiennes et romaines deviennent très recherchées par les artistes, savants et grandes fortunes d’Europe, qui se les procurent auprès de marchands de Rome, Athènes, Paris ou Londres. L’un des premiers fut Charles Townley (1737-1805), antiquaire et collectionneur anglais. Jouissant d'une grande fortune, il l'employa à voyager en Italie et en Grèce et à acquérir une célèbre collection d'antiquités, acquise par le British Museum en 1805 et encore aujourd’hui au cœur de ses collections gréco-romaines. Winckelmann lui-même trouve sa vocation en découvrant la vaste collection d'antiques d'Auguste III, roi de Pologne, provenant des fouilles d'Herculanum.

En France comme en Angleterre, la passion de l’antique est d’abord une passion d’aristocrate. Les collections fabuleuses du duc d’Aumale (1822-1897), fils du roi Louis-Philippe, sont exposées au Château de Chantilly. La collection d'antiquités du comte de Pourtalès-Gorgier (1776-1855), immense et exceptionnellement variée, se compose de près de 2000 vases, terres cuites, bronzes et marbres. Constituée lors de ses voyages (à Rome, Venise, Naples, en Grèce) et dans les grandes ventes aux enchères parisiennes, célèbre auprès de ses contemporains, elle est mise en scène par le comte qui en fait un sujet d’étude pour les artistes, les architectes et les archéologues. Mais les collections moins grandioses de Flavien de Magnoncourt (1800-1875) à à Besançon ou de Wilhelm Froehner (1835-1925), archéologue allemand installé à Paris et proche de Napoléon III, montrent que la mode du cabinet d’antiques touche également les savants et les notables de province. Les modalités d’exposition des objets et la forme du cabinet d’antiques évoluent par ailleurs au cours du siècle, comme nous l’explique M. Chandezon : « au début du XIXe siècle, la galerie était encore le mode de présentation qui s’imposait. Il en était ainsi pour la collection de l’impératrice Joséphine à La Malmaison. Par la suite, les petites pièces intimes ont été privilégiées. Le collectionneur pouvait s’y retirer au calme, y admettre proches et invités. Ce fut la solution retenue par Pourtalès dans sa résidence parisienne. Le décor était conçu pour s’harmoniser avec les pièces exposées et un mobilier adapté était commandé à de grands ébénistes. C’est cet esprit que nous cherchons à faire revivre, mais avec un cabinet d’antiques offert à toute la communauté universitaire. »

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Le Cabinet d'Antiques du Musée des Moulages. Photographie par Sébastien Marchand.

« Un salon comme un musée, un musée comme un salon »

L’espace, organisé par l’architecte d’intérieur Sophie Petit, est d’abord un lieu d’étude, grâce notamment au riche catalogue qui décrit les œuvres exposées en les replaçant dans leur contexte historique et social. « Salon-boudoir » à l’ambiance singulière, il est aussi un lieu de contemplation, voire de méditation. Dans ce triple aspect, il rejoint l’esprit du cabinet d’antiques du XIXe siècle, et on peut se prendre l’espace d’un instant, pour l’antiquaire Charles Townley parmi ses marbres.

L’installation valorise en différentes thématiques les œuvres originales déposées par le Louvre ainsi que de nouvelles pièces appartenant en propre au Musée des Moulages, une soixantaine d’objets au total, répartis dans quatre vitrines et autour de celles-ci. La première vitrine montre l’importance des figures animales dans la pratique cultuelle de l’offrande : figurines de coq, cochon ou bélier en argile, relief en marbre représentant un cavalier, ces pièces témoignent de l’omniprésence des animaux dans l’art, la culture et la vie quotidienne des Grecs. Les objets de la deuxième vitrine s’organisent autour de la thématique du corps humain, avec des statuettes en terre cuite, retrouvées par milliers dans les sanctuaires et les tombes de Grèce, et deux très belles amphores athéniennes du VIe siècle avant notre ère, représentant des épisodes du mythe d’Héraclès. La troisième vitrine, à travers des objets de natures variées, nous propose de découvrir les pratiques qui entourent le moment de la mort et de la mise au tombeau chez les Grecs et les Romains. Le Musée expose notamment l’un des exceptionnels « portraits du Fayoum », découverts dans l’Égypte romaine et peints sur du lin ou sur de fins panneaux de bois. La dernière vitrine esquisse une histoire récente du goût et de l’esprit de collection. Elle expose côte à côte antiquités authentiques et copies, un mélange des genres pratiqué par les collectionneurs et même par les musées du XIXe siècle, pour qui les copies avaient parfois une valeur esthétique quasi égale à celle des originaux. Beaucoup d’œuvres des grands sculpteurs grecs Phidias ou Praxitèle, perdues dès la fin de l’Antiquité, ne nous sont connues que grâce à des copies d’époque romaine ; c’est le cas par exemple du buste d’Homère exposé dans le Cabinet d’Antiques. Les moulages de bustes et de reliefs disposés autour des vitrines et sur la longue tablette qui leur fait face prolongent cette réflexion sur la pratique de la copie des œuvres classiques et sur la technique du moulage en plâtre.

Comme le souligne Mme Plana, directrice du Musée des Moulages, son nouveau cabinet d’antiques fait du Musée « le principal lieu de présentation de l’art grec antique en Région Occitanie ». Il se visite du mardi au vendredi, de 10h à 12h en visite guidée et de 12h à 17h en visite libre. Droit d’entrée au musée : 3 euros tarif plein (gratuit pour les étudiants de l’Université Paul-Valéry sur présentation d’un justificatif).

 

Sébastien Marchand

(Doctorant en histoire grecque)

Note : les citations entre guillemets, y compris le titre de cet article, sont empruntées aux notices rédigées par M. Christophe Chandezon, Mme Sophie Petit et Mme Rosa Plana-Mallart dans le catalogue de présentation du Cabinet d’Antiques, disponible au Musée des Moulages.

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