top of page
test_fond_2.jpg

Cahier Spécial 

Visite du Musée Fabre

test_fond_3.jpg
MF_1.png

Le mercredi 1er avril 2020 devait se tenir la 1ère édition des Nocturnes de l’Histoire. À cette occasion, des étudiants de l’université Paul Valéry – issus de différentes filières et membres de l’Association Histoire(s) – avaient organisé un parcours regroupant plusieurs œuvres du Musée Fabre autour d’un même thème : l’image de la femme dans la peinture et son interprétation historique.

À la suite du confinement national décidé par l’État en raison de la pandémie Covid-19, les Nocturnes de l’Histoire n’ont pu avoir lieu et sont – pour le moment – reportées au 31 mars 2021. Pour les plus impatients, nous vous proposons une preview des peintures étudiées !

Dossier réalisé par Sana Maaloumi, Cassandra-Morgane Pelletier, Charles-Édouard Minck, ainsi que Alana Bader, Natacha Graboy-Grobesco et Sylvana Vernet

Ont également préparé les Nocturnes de l’Histoire : Prune Gesbert, Maëlle Chauvin, Léa Brugère, Lucie Valette, Joao Estevens Lopez, Dorian Bérard et Corentin Crochemore, et toutes celles et ceux qui ont participé aux visites !

Merci également à Marion Boutellier et Isabelle Groux de Mieri, du Musée Fabre, ainsi que Maguelone Nouvel-Kirschleger pour leur accompagnement.

Œuvres issues des collections du Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole

© Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole / photographie Frédéric Jaulmes - Reproduction interdite sans autorisation.

MF_2.png

Œuvres issues des collections du Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole

© Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole / photographie Frédéric Jaulmes - Reproduction interdite sans autorisation.

Charmantes, ravissantes, envoûtantes et séduisantes, les femmes sont objet d’art. Déesse, sainte, épouse, ou tentatrice, les peintres et sculpteurs ont tenté à travers tout âge de capter la beauté féminine et ses mystères. Onze tableaux constituaient le parcours, présentant une ou plusieurs femmes dans des scènes mystique, réelle, voire exotique.

Les femmes ne sont, alors, plus de simples objets d’art. Elles deviennent le support d’une réflexion sur leur place dans la société contemporaine de l’œuvre, sur le regard du (ou de la) peintre et des spectateurs (mais aussi des spectatrices) de leur époque. Une histoire s’incarne par le portrait de la femme mais aussi le paysage qui l’entoure. L’ensemble de ses éléments devaient être abordés par les étudiants participants pour offrir au visiteur les outils nécessaires à la compréhension historique des œuvres.

Nous vous donnons rendez-vous au printemps 2021 pour partager avec vous ce parcours et, qui sait, peut-être aurons-nous d’ici là d’autres volontaires pour nous rejoindre dans l’aventure ?

MF_3.jpg

Œuvres issues des collections du Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole

© Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole / photographie Frédéric Jaulmes - Reproduction interdite sans autorisation.

Femmes et éduction

Louis BEROUD – Salon carré du Louvre

Peinture représentant l’exposition universelle de 1883, le Salon au carré du Louvre de Louis Béroud (1852-1930) aborde un sujet classique et contemporain de son époque. Dans le cadre des nocturnes de l’histoire, nos études se sont penchées sur les femmes à travers le tableau et l’histoire. Ainsi, dans cette thématique, je vais approcher l’importance des musées dans le rôle éducatif des dames du XIXe siècle.

De l’éducation des femmes aux musées

Le XIXe siècle est une époque de changements. Parmi ses mutations, un seul domaine reste établi de manière pérenne : la différenciation entre les sexes. Le modèle familial occidental demeure convaincu durant tout le long du XIXe et jusqu’au début du XXe siècle, de la stricte répartition des rôles entre l’homme et la femme. Le mari est celui qui doit s’investir dans la vie professionnelle tandis que l’épouse assume les tâches éducatives et ménagères.

L’éducation des filles doit avant tout former de bonnes épouses et de bonnes chrétiennes. Cependant, si monsieur ne veut pas d’épouse instruite, il la souhaite tout de même éduquée. Une dame du monde doit pouvoir faire bonne impression. Si la rhétorique, les mathématiques et également l’histoire sont des connaissances suspectes, en revanche, la littérature, la philosophie, la musique ou encore le dessin sont acceptables. C’est dans ce contexte que la gent féminine va occuper les salons, les expositions et les musées comme Louis Béroud nous le représente si bien à travers ce tableau.

L’importance de l’image dans l’éducation féminine

Les images permettent de transformer des concepts abstraits en quelque chose de physique, concret, personnel. À travers les expositions, les jeunes filles doivent donc intégrer la définition de la féminité. D’une manière plus générale, durant cette période les arts visuels se voulaient réalistes. Cette doctrine proche du positivisme gagne du terrain tout le long du siècle dans la philosophie, le journalisme et le domaine artistique. Toutes les institutions culturelles mettent en avant les valeurs universelles dont l’exemplarité est caractérisée par la société industrielle occidentale. Pour une bourgeoise en quête de légitimité, c’est donc à travers la consommation d’art dans toutes ses formes : collections, expositions, théâtres qu’elle démontre sa réussite. Le musée est également le lieu idéal pour les rencontres amoureuses. C’est un endroit civilisé où la femme éduquée et prête au mariage peut trouver époux.

Un lieu de tous les dangers

Mais les musées sont aussi un lieu de liberté pour les femmes. C’est à l’abri des portraits antiques que la femme peut s’assimiler à la séductrice et donc faire des avances là ou dans d’autres endroits elle n’aurait jamais pu en faire. La femme n’est pas uniquement spectatrice, elle est aussi l’objet de l’art. À travers les siècles, le corps féminin et son aura n’ont pas subi les mêmes restrictions que les peintures réalistes du XIXe siècle. Ainsi, le rôle d’exemplarité des portraits peut aussi devenir la porte aux passions et aux péchés. Flaubert dira même qu’on devrait interdire le Louvre aux femmes, car ce lieu leur donnait de mauvaises idées. Enfin, si l’accumulation d’œuvres pour décorer son intérieur est activités courantes. Il peut aussi être vu comme ambassade de la vulgarité. Cette vulgarité caractérisée par l’acheteuse compulsive, cette femme bourgeoise cherchant à imiter l’aristocratie sans y parvenir.

MF_4.jpg

Œuvres issues des collections du Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole

© Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole / photographie Frédéric Jaulmes - Reproduction interdite sans autorisation.

Deux saintes : Ste-Madeleine et Ste Marie l’Egyptienne

Jacques BLANCHARD – Madeleine pénitente

Joseph RIBERA – Ste Marie l’Egyptienne

Peintes au XVIIe siècle, la Madeleine pénitente de Jacques BLANCHARD et la Sainte Marie l’Egyptienne de Joseph RIBERA s’inscrivent toutes deux dans un contexte de réforme religieuse.

C’est au XVIe siècle que s’opère le schisme entre Eglise catholique et Eglises réformées (anglicanisme, calvinisme, luthéranisme). L’Église romaine tâche, d’une part, de lutter contre l’expansion du protestantisme et, d’autre part, de répondre aux problèmes soulevés en menant ce que l’on appelle la Contre-Réforme. Établie par le concile de Trente, elle s’applique à plusieurs domaines et l’univers de l’art n’est pas exempt de ces bouleversements et se transforme même en outil de propagande.

De nombreuses œuvres hagiographiques sont commandées pour que les saints – vivement rejetés par les protestants – soient présentés non plus seulement comme des faiseurs de miracles mais comme des exemples à suivre. Certaines figures sont récurrentes, notamment celles de Ste Madeleine et de Ste Marie l’Egyptienne. Ces deux protagonistes bibliques ont un parcours de vie (à quelques détails près) similaire : courtisanes, elles ressentent l’appel divin qui les mène sur le droit chemin et abandonnent leur vie de débauche pour dédier le reste de leur vie à Dieu.
L’idée première, derrière ce choix de personnage, est de montrer que le fidèle – par ses actions – peu accéder au pardon divin. Ce concept de rétribution s’oppose à celui de prédestination que l’on retrouve dans le culte protestant.  Second élément qui lie ces deux œuvres : la relation des deux personnages avec le spirituel. Elles ont toutes deux les yeux levés au ciel, percevant ce que le spectateur / la spectatrice ne peut entrevoir. Les deux femmes ont aussi un air serein et de paix. 
Ces deux tableaux s’opposent sur un point essentiel : la (relative) nudité des deux femmes, qui rappelle leur passé de courtisanes. Elles ne sont pas présentées comme séductrices. La nudité en art a fait aussi partie des combats menés par le concile de Trente : certaines ouvres ont dû être retravaillées pour répondre aux critères établis. Seules les « scènes antiques » pouvaient contenir des corps dénudés.

MF_5.jpg

Œuvres issues des collections du Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole

© Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole / photographie Frédéric Jaulmes - Reproduction interdite sans autorisation.

Le mythe de Phèdre (1880) par le peintre Alexandre Cabanel

Alexandre Cabanel est un peintre de la seconde moitié du XIXe siècle né à Montpellier en 1823. En 1834, il intègre l’École des Beaux-Arts de Montpellier, puis en 1840 celle des Beaux-Arts de Paris. En 1845, second du concours d’art du Grand Prix de Rome, il entre au sein de la Villa Médicis jusqu’en 1851. Il s’inspire du classicisme de Poussin et de la peinture italienne, notamment Michel-Ange et Raphaël. Puis à partir des années  

1850-1860, l’aristocratie, la bourgeoisie, les financiers, les voyageurs américains visitant l’Europe, bref l’univers mondain, deviennent ses principaux sujets de prédilection artistique. Dès 1870, la peinture devient pour lui source d’histoire. Il représente des personnages de la Renaissance italienne (le Poète florentin, le Marchand de Venise), des scènes bibliques (Samson et Dalila, Saint Jean Baptiste), et également des scènes mythologiques (la Vénus victorieuse) et historiques (Saint Louis enfant et Blanche de Castille).

Cabanel utilise des esquisses préparatoires ainsi que des dessins avant de peindre ses toiles, ce qui montre chez lui un goût prononcé pour le perfectionnisme. Son style est souvent décrit comme élégant et érotique. Son coup de pinceau accentue la blancheur des chairs féminines, s’axant sur les attitudes allongées. Sur les visages, les cheveux sont fréquemment longs et dénoués, le cerne noir maquillant le contour des yeux. C’est dans cette période de sa vie, en 1879, qu’il commence son tableau sur Phèdre s’inspirant de l’Hippolyte porte couronne d’Euripide. La toile représente la jeune femme, belle brune enveloppée de draps transparents, ravagée par son amour interdit et les critiques qui semblent s’abattre sur elle. Couchée sur un lit d’ivoire, le tableau révèle de nombreux détails, et le trait de l’artiste accentue le moindre des sentiments des acteurs de la scène, s’attardant sur la grande sensibilité des traits du visage.

Mais Cabanel s’attire les critiques d’intellectuels jugeant son tableau vulgaire. En effet, dans le mouvement pictural issu du néo-classicisme, le peintre doit se soumettre aux canons académiques pastichant les œuvres d’art de l’Antiquité. Cette réinterprétation du mythe de Phèdre semble trop moderne, prenant trop de libertés sur les règles artistiques.

Phèdre est la seconde femme de Thésée, demi-dieu et roi mythique d’Athènes ayant unifié politiquement la région d’Attique, entamant une nouvelle ère de domination athénienne dans la péninsule, et connu surtout pour avoir débarrassé la Crète du Minotaure. Phèdre, éprouve un amour criminel pour son beau-fils Hippolyte qui la repousse avec horreur quand cette dernière lui révèle enfin ses sentiments. Thésée revenant de la guerre est informé par Œnice la nourrice de Phèdre, qui accuse le fils du roi d’être le principal responsable de cette séduction. Thésée chasse Hippolyte d’Athènes, et le dieu Poséidon (qui est le père du roi) punit le jeune homme en lui envoyant une bête monstrueuse sortie des eaux, effrayant les chevaux de son char qui se renverse.

Hippolyte meurt de ses blessures, tout en protestant auprès des dieux son innocence face à son cruel destin. Phèdre accablée de remords s’empoisonne, et avoue tout à son époux Thésée avant de rendre son dernier souffle.

Le mythe de Phèdre (1880) par le peintre Alexandre Cabanel

Sur le tableau de Cabanel, Phèdre est représentée lascive, désespérant d’avoir avoué son amour impossible pour Hippolyte. Allongée, un drap de voile blanc recouvre son anatomie, laissant deviner les courbes sensuelles de cette femme devenue reine. Ce qui frappe ici en premier, c’est son regard sombre et vide, laissant entrevoir une âme tourmentée, perdue dans les méandres de sa pensée, s’affligeant souffrance et regrets éternels. Au pied du lit se trouvent deux servantes en tunique. La première est assise à même le sol, nonchalante, impuissante, et désespérée. La seconde semble chercher une solution ou du moins un mot de réconfort, les mains croisées reposant sur le genou, tentant vainement de consoler sa maîtresse. 

La scène se tient dans une chambre richement décorée, digne d’une reine antique. Le lit de Phèdre est fait d’ivoire sculptée sur lequel apparaissent des dessins et des dorures. Le drap recouvrant la reine est fait de soie, un tapis en peau de bête est posé sur le sol. On aperçoit également un casque et un bouclier doré en arrière-plan accrochés à une colonne. La référence artistique et esthétique est celle de l’Antiquité gréco-romaine. L’art classique rend ici hommage à l’intemporalité, à travers la recherche harmonique et anatomique. Deux côtés sombre et lumière s’opposent : d’un côté le sentiment de culpabilité propre à la fragilité et à la vulnérabilité, de l’autre côté la beauté légendaire est sublimée révélant la force de caractère et la dignité. Phèdre symbolise le combat de la Raison contre les Passions. La pièce est plongée dans la pénombre, la reine dont le prénom signifie “lumière” est éblouissante et ressort du tableau, son habit recouvrant la nature de son vice. Tout ici montre le sentiment de dualité, ce dilemme confrontant le Bien contre le Mal, la Pureté face à la Perversion de l’Âme. Les couleurs utilisées restent traditionnelles, naturelles, privilégiant sur certaines touches les tons ocres, passant du fauve au rouge brique, jouant sur les dégradés, tout en mettant en valeur le teint diaphane du visage royal.

Œuvres issues des collections du Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole

© Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole / photographie Frédéric Jaulmes - Reproduction interdite sans autorisation.

MF_6.jpg

Femmes et exotisme

Julie de Montferrier – Femme grecque

Eugène Delacroix – Femmes d’Alger

Le XIXe siècle connait un essor de l’orientalisme avec lequel se développe une fascination et une répulsion des mœurs orientales, nouvelles et étrangères aux spectateurs. L’Orient – sous domination ottomane – s’oppose en plusieurs points au monde occidental, que ce soit au niveau religieux mais aussi politique, social et – par conséquent - culturel. Les régions séparant ces deux mondes sont un espace de mélange et de fusions culturelles. Des habits « révélateurs » aux couleurs vives transforment, alors, le corps de la femme en miroir d’une société orientale et de ses traditions.

L’œuvre d’Eugène DELACROIX est réalisée 7 ans après son voyage à Alger. Conquise en 1830, l’Algérie fascine davantage les métropolitains, curieux de découvrir un pays différent du leur. Cette scène de harem intéresse de par l’espace constituée d’objets atypiques pour le spectateur / la spectatrice comme la chicha ou encore comme le costume algérien traditionnel – la ghlila – que porte les quatre femmes du tableau. Le vêtement féminin est tout aussi porteur de tradition dans la peinture de Julie de Montferrier.

Plus qu’une œuvre de curiosité, le tableau de De Montferrier suit une vocation politique alors forte en Europe. L’Attique est au cœur du conflit opposant ottomans et grecs. Ces derniers, sous emprise turque depuis plusieurs siècles, sont victimes de violentes repressions qui font couler du sang en Orient, de l’encre et de la peinture en Occident. L’artiste rejoint ainsi le camp d’autres figures notables comme l’auteur Victor Hugo, se démarquant ainsi parmi les autres artistes qui – faute de pouvoir subvenir à leurs besoins avec leurs seules œuvres – doivent se prostituer auprès de leurs clients.

Ces tableaux sont à la fois unis par leur thème et l’engagement intellectuel de leur auteur, mais dissemblable par les représentations qu’ils choisissent de montrer. En effet, Delacroix va conformément aux visions de son époque, créer une femme-objet, dont la seule fonction et la beauté qu’elle représente. Julie de Montferrier quant à elle, va plutôt accès sur le rôle symbolique de la femme en créant un archétype féminin de la Grèce traditionnelle. Nous pouvons voir même si les contextes sont similaires, les engagements et conceptions de la femme à travers la peinture tiennent à la volonté de leur auteur. Ainsi, nous avons pu voir avec ces deux tableaux, l’utilisation de l’orientalisme dans deux tournures différentes.

bottom of page